[ prière à l’impossible ]

 

e     l     b     i     s     s     o     p     m     i    ‘ l        à        e     r     è     i     r     p

ǝ          l           b          ı          s           s          o          q            ɯ           ı

p        r        i        è        r        e          à           l’       i       m       p       o       s       s       i       b      l       e

 

 

 

 

elle ne voulait rien entendre était-ce du monde ou de la mer
mais une voix d’île en miroir poli pour sa propre voix son visage
elle ne voulait rien entendre assourdie par sa rumeur
ses propres cris d’orfraie meurtri dans un écho stérile

 

ǝ          l           b          ı          s           s          o          q            ɯ           ı

 

 p                           r                       i                         è                          r                     e

 

 

  • ma bouche sur le mur blanc

petite soeur ma petite soeur mon amour ho mon coeur ma douce si loin dans la blessure tienne ou mienne tourne l’écho d’une même fureur ni ma main ni la tienne sur l’océan le sable de la plaie ni tes os ta moelle ma mie ma si tendre ne peut entendre sa propre voix il faut te taire et sourdre en toi jusqu’à la vague lourde qui t’avale descends oui descends plonge tu n’auras froid qu’aux yeux peut-être viens mon amour ma fissoeur je suis ton écharpe ton velours ta fourrure ma loutre ma toute viens plus loin là où l’ombre se broie
viens ouvre toi

 

 

 

 

elle ne voulait rien entendre et ne savait pas que l’or
puis l’argent ni l’écueil si immense partageant qui du ciel les cils
de l’eau d’un coeur tari par sa main pleure sans savoir jamais
elle ne voulait rien entendre rien et tout pourtant appelait
mais ni en elle l’espace ni autour s’offrir ne savait

 

ǝ       l         b       ı         s         s        o        q       ɯ        ı             u       o       ɯ

 

 

– ma bouche sur la pierre grise

ma chair pareille écoulement rivière toi qui bruits quand je vente moi qui luis si tu chantes m’entends-tu si près de l’eau si creuse puis source entends-tu ta propre anse quand entendre vient de ton ventre où sommeillent tes trésors mon dragon ma géode ma si dure mon étain ne te retourne pas ne retourne pas derrière si ce n’est que pour fendre ou ce doigt de fer ne tourne pas dans ma craie légère ma craie la tienne entends-tu n’aies pas peur ouvre-moi touches les gemmes endormies ouvre-toi

 

ǝ              l                 b               ı                 s                s                 o             q                 ɯ                ı

 

 

 

entendre son vouloir unique mais ne semblait ni le mur ni la pierre
entendre ce qui n’était plus à l’oreille mais dans le feu dans la lave
dans la lave au puits des puits où se lovent toutes les secondes
entendre une parcelle du jour l’heure du tout premier amour
               mais ni en elle l’espace ni autour s’offrir

 

 

 

 

– ma bouche sur la fente d’un coquillage rose

amour âme vie merveille simple des yeux qui boivent la réverbération lanternes du tout ouvrir  » devenir, plus humain qu’ils ne l’ont été pour passer la haine à l’arme du coeur  » ressentir l’immensité des souffrances ma profonde qu’elles se taisent assoupies dans tes bras ma douce ma froide et close pourtant tu refuses tout comme j’engloutis et te gonfles superbe et folle dans tes cheveux d’algues et si je te bois je meurs si je te mange tu meurs

                   i       m       p       o       s       s       i       b       l        e

 

 

entendre elle voulait disait-elle mais sa musique ne pouvait
entendre un autre monde pensait-elle sans voir ni lire
aveuglée de murènes et d’hydres susurrantes hordes d’horreurs
entendre ta propre âme déchanter la note du naufrage
entendre ce qui n’est pas toi ni moi ni rien
                                                                       mais la parole bleue enfantée

 

 

 

 

  • ma bouche sur le sable blond

mon lit si fin mes infimes mes multitudes où j’erre et ta fleur ma si précieuse et rare fallait-il que si peu s’enracine croisse dans ta mélopée piquante ou longue plainte crissée de sa propre aridité mortelle s’effritent les falaises au mirage qui te perd ailleurs que tu n’es n’y crois tu aspires ma si dune mon Sahel tressé ma ceinture d’astres sous tes pas se lissent dans l’appel de l’eau le rêve tes jardins de dattes et de palmes où sereine ou déliée tes hanches balancent le soleil entends-moi dans le songe des chamelles entends la quête si longue où vers l’impossible je tends la main

 

 

 

 

vouloir entendre et entendre au tréfonds la tessiture de soi
vouloir entendre et entendre au plus proche l’ignorance
son aveu de ne pas pouvoir par peur de s’ouvrir vers soi qui est l’autre
entendre dans le plus lointain des matins l’orage clôt des pliures
entre réverbérations les éclats zèbrent sous la coupe de ses yeux  i  m  p  o  s  s  i  b  l  e  s

 

 

 

 

– ma bouche sur la terre noire                                   p             r             i            è           r         e

ma secrète mon caché ma féconde toi qui accueilles et nourris tu absorbes chocs et corps de nos hécatombes putrides nos agonies sans fins toi ma si riche tu mûris le grain et la noix petits germes vifs et berces la bête m’entends-tu en tes combles creusées dans la giration perpétuelle de tes forêts tout l’amour qui se perd parce qu’enclos dans les entrailles comme ton sang or et noir le dénie se forge âpre as-tu mal bel amour as-tu mal aussi dans ce qui résonne autrement que pierre ou bois quand tu t’endors dans les glaciers

 

 

 

 

le vouloir et l’entendre tout pouvoir possible s’éteint
le vouloir et l’entendre à tout prendre rien n’est pris
que cette absence irrémédiable où s’enferme ta voix pourtant si vive
et le vouloir et l’entendre se consument en n’écoutant que sa brûlure
jusqu’à perdre tout l’entendement dans sa pulpe

 

p      r     i    è     r     e              à

                                                                                  l’

ǝ               l                b              ı                s                  s                 o                q                 ɯ                 ı

 

– ma bouche sur le vent translucide

amour comme je t’aime comme rien ne peut dissoudre ni la fièvre ni le feu nos tempêtes vaines d’acharnements nos cyclones ma chaude ma furieuse beauté ma sauvage entends-tu il faut refaire rebâtir emplir et le coeur et la voix sous les étoiles qui animent tout ce que tu portes transportes poussières et fibres amas fous ou flous cheveux d’entassement contre ce qui s’élève et que tu tourmentes sans répit jusqu’à l’essoufflement parfait
ho ma caresse entends-tu ma bouche sur la feuille verte

 

 

 

 

ma sève et ma chair parfum cru du rêve de la terre toi sa fille si resplendissante quand tu respires la lumière toi maison où nichent les oiseaux et s’accouple la charpente du ciel et tous ses yeux toi son ombre fraîche et bleue entends-tu ma mémoire mon ginkgo entends que je t’aime retourne-toi je t’aime en lambeaux volubiles où s’éteignent paroles et gestes dans la pulpe blanche non-dit ce qui chuinte ensuite ce que tu désires entendre le plus au monde bois je t’en prie ma bouche sur ta paume

i                              p                         s                         i                             l

                 m                         o                           s                       b                           e         

 

 

ma soeur toi l’humaine porteuse du feu des continuités toi qui tisses les futurs à même ton ventre doux ni Lilith ni Ève ni quelqu’une que toi-même au nord de tes cycles élément des éléments toi qui partages depuis le plus profond de toi l’aspiration secrète du temps pour nos hordes malpropres et belles toi qui illumines d’un sourire ton complément toi la
femelle sage entends-tu dans l’enfouis de ta nature l’éclosion lente et généreuse entends-tu l’incommunicable qui jamais ne sera proféré à ton oreille en nulle musique jamais ni en la moindre langue intelligible ne viendra verser en toi ce que tu dois concevoir en ton propre sein où je pleure

 

ouvre et bois, ma soeur, bois et perçois l’amour qui n’est pas encore au monde

p                         r                      i                        è                         r                   e

         

   à              l’          i          m         p         o         s        s        i         b         l         e

ǝ          l           b          ı          s           s          o          q            ɯ           ı

  

 p                           r                       i                         è                          r                     e

ǝ               l                 b               ı                 s                 s                o               q                 ɯ                 ı

 

 

 

livret ancien – été 2004

 

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