0) À propos de ce laboratoire

..nous avançons parmi ; parmi la lumière et parmi l’ombre, parmi tous les vents, la mer que déverse évaporée la pluie. Nous avançons parmi ; parmi les nôtres et parmi les autres, ce qu’ils sèment bon gré mal gré, des mers de gestes, des forêts de regards.

C’est toujours parmi, mais par dessus tout, parmi l’inconnu quel qu’en soit l’aspect. Aussi j’avance vers l’inconnu comme vers vous s’avance tout l’inconnu, j’avance vers ses continents, ses langages, ces regards, autres, neufs, où toutes choses se répondent.

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..Mais sans doute vous direz-vous que c’est là peu de chose, ou, que c’est impossible et je-ne-sais-quoi encore… peut-être auriez-vous raison, et peut-être vaut-il mieux ne pas vous avancer ici comme sur une plage lisse; rien n’est lisse.

Rien n’est lisse sauf la manière dont les choses, les instants, les matières semblent glisser, se déplacer puis nous déplacer; rien n’est lisse, pas même la sensation du glissement entre un état et un autre. Ce qui transforme et nous transforme, ne serait-ce que par la perception, produit ou concourt d’un choc, d’un mouvement subit, vif, qui renverse ou bascule subtilement la relation que nous avions avec les choses, les instants, les matières et les êtres. Dès ce glissement perçu, nous nous trouvons dans la rugosité même du changement (parmi), nous nous trouvons dans la transformation de la forme, et si celle-ci nous demande et exige un ajustement étroit, senti, c’est qu’elle cherche et appelle une fluidité renouvelée, un aspect mobile – ou, à rendre à nouveau mobile.

Ainsi rien n’est fixe, rien n’est lisse. Et tout se transforme. Tout se transforme ou utilisant une forme donnée, tout pousse les aspects qui la composent au plus haut de leurs capacités, jusqu’à rencontrer cet instant, unique en lui-même, où cette poussée exige/est une transformation dans la forme, la mobilisation, la capacité d’adaptation, la compréhension (l’entendement intime).

Si parfois nous pensons avoir atténué ou contourné l’instant rugueux, nous nous trompons nous-même imanquablement, car rien n’est conforme à notre pensée; notre pensée nous confond pour retrouver son confort, son habitude, sa méridienne, où nous confondons ce qui est avec la perception construite d’un certain confort. L’instant rugueux nous rattrape aussitôt comme une fractale se déploie. Et alors la question se pose: regardons-nous le confort que la pensée produit, ou regardons-nous le réel de ce qui est ?

À ceci je peux ajouter qu’avec un étonnement toujours constant et renouvelé j’interroge des formes et des mouvements. J’interroge des manières et des angles; j’interroge tout autant les matières, le souffle, un filet de lumière ou une ombre, j’interroge et souvent, ce sont ces mêmes choses et aspects qui m’interrogent, ouvrant alors des portes dont je n’avais, jusque là, pas même soupçonnées l’existence…

*

Dans le rebours des pages anciennes et des pages plus anciennes encore – pages et textes que je ne retouche pas, et à dessein puisque cet espace est celui d’essais et de tâtonnements, des pistes entre et parmi les broussailles des mille écritures contemporaines – on peut trouver des pointes, quelques traces des motifs (émotifs ou sensitifs), des éclisses, des choses mordues, mâchées aussi peut-être. Ces artéfacts ne sont sans doute pas très significatifs mais je crois qu’il contiennent de petites choses, des petits grains disséminés, comme si une brèche avait été ouverte à même la chair d’une forêt pour y planter ce qui deviendrait, avec le temps seulement, et sans même que je le sache, des fleurs rugueuses. Des fleurs rugueuses dans leurs pétales d’inconforts, au bord d’elles-mêmes… et de leurs chutes. Lentes.

Merci. Merci pour vos patiences.

19 commentaires pour 0) À propos de ce laboratoire

  1. Catrine dit :

    ..et j’avance parmi mes maladresses

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  2. Ile E. dit :

    Plaisir de te lire Catrine et de marcher un moment avec toi.

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  3. Catrine dit :

    Plaisir, ta présence vivifie le moment et l’allant; merci Île.

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  4. Je lis, et ça fait bien à lire. Beaucoup et bon. Et allons.

    Suis surpris. Ce doit être fractale, la surprise.

    Suis vraiment surpris. (La surprise, est-ce un appel?)

    P

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  5. Catrine dit :

    wha! ça c’est une question! elle est belle. me surprend.

    «La surprise, est-ce un appel?»

    d’abord tu proposes (je dis tu, soyons simples) la surprise comme étant fractale. la boutade est chouette – je m’étonne (avec joie, je le souligne) et de la proposition et des images qu’elle me suggère. j’y plonge (je veux dire que je vais réfléchir tout haut):
    [avertissement: ce qui va suivre sera peut-être intense, dense et maladroit]
    [ what will follow may contains sensuality and adult subject matter]

    …la surprise est subite, à la fois choc et soulèvement, poussée soudaine et élévation, et figure bien un paroxysme de *l’instant rugueux* fort; soit la déstabilisation/inconfort et/ou un renversement d’un réel-personnalisé (l’acquis/construit et l’installé – ex: l’idée qu’on s’était faite de quelque chose sise sur des valeurs x) dans un “réel-réel” (suggérant/générant du sens autre) ; la surprise (le choc lui-même) qui fait office de commutateur, de déclencheur n’est pas la fractale. je pense que ce ne pourrait être que dans le cas où l’exacte-même surprise/choc se reproduirait dans l’exact-même condition en sur-multipliant ses exactes répliques – une ligne de front de la surprise ( ! ) ou une contamination foudroyante?). mais ce que cette activation produit ensuite (dans l’esprit et dans la pensée – l’entendement intime -, puis dans le geste et dans la vie – l’adaptation active du transformant au transformé), la/ses répercussion/propulsion(s), donc son impact sur/dans le vivant, le peut certainement. ce serait une question de force de résonance et donc de portée de la “charge” formulée (ce que je conçois comme la *qualité résonnante* de l’impact – l’onde réelle). c’est une fois la surprise absorbée que l’impact initie le transformant, initie la mobilisation. je perçois/reçois ce “moment” comme… une manière de little big-bang dont le déploiement, lui, génère (possiblement) un jaillissement de “motifs”, ou d’expressions créatives/créatrices. et finalement, pour répondre à ta question, je pense… je pense (ici tout de suite/maintenant) que c’est ce jaillissement, ce souffle, qui est un appel. je pense que c’est sa précise action, appeler.

    euh…c’est un peu fouillis, non?
    (je devoir me relire et réfléchir, da!) :¬)

    et merci, merci pour la superbe et stimulante question!

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  6. Patrick Poulin dit :

    D’emblée, ta réponse me semble bien plus rythmique et balistique que sémantique – et c’est le rythme et l’éclat qui font floculer le sens (rugosité). Rythme d’emboîtement et d’enchaînements (écoulement fractale, entendu que rythmer, c’est écouler avec une sorte de régularité).

    La surprise sera fractale, peut-être, en ouvrant sur d’inexorables travelling avant, mais en y enchaînant des métamorphoses. Plongée.

    (Comme la nouveauté, cette sensation de comprendre ce qui change.)

    Rugosité ou porosité. Entrer par séries d’accidents.

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  7. Catrine dit :

    oui, oui c’est fort possible. rythmique et tout ce que tu dis… (je ne suis pas « sémenticienne »).
    puis il y a un grand écart dans le temps d’abord entre le moment de cet « à propos » et sa finition (pas tout à fait encore, pour moi), ensuite entre sa mise en ligne (il y a presque 2 ans) et l’arrivée de ta splendide question qui ramine tout subitement, me ramène à..comme on remonte à la surface. aussi si ma réponse danse un peu … c’est mon état de surprise (joyeux), l’enthousiasme à l’entendement, à te voir entrer, volontaire, dans .. ma forêt
    et encore, que j’y suis immergée depuis, plongée toute

    je te remercie infiniment, Patrick

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  8. Patrick dit :

    Les décalages de perspectives dans l’écriture font bien se tordre le temps, animal en flammes; les décalages de la lecture aussi, sous l’effet d’escalier d’un corps peu à peu plongé dans un corps liquide.

    Hm, il y a sans doute aussi quelque chose d’analogue au jeu du temps dans la saudade brésilienne, semblable à cette cristallisation d’affect qui joue à retardement; sauf peut-être que dans le poème il s’agit également, et parfois surtout, de cristallisation de sensations, qui joueraient à retardement, avec des effets qui n’appartiennent pas qu’à la présence nue..

    Ceci dit, te lire me donne envie, envie d’écrire. (Compliment.)

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  9. Catrine dit :

    Wah animal en flammes, manganèse et cristallisation! (toutes papilles sollicitées) (suis renversée, disons)
    ..à retardement, ou en ralentissement profond; le ralentissement concentre, rend perceptible la cristallisation tandis que la poussée « défocalise » ..ou multiplie le/la reflet/xion – on en serait aux dimensions des dimensions elles-mêmes…(?) ..et dans les cordes…
    oui, « avec des effets qui n’appartiennent pas qu’à la présence nue.. » oui.

    [la mobilisation] (l’envie d’écrire) est le plus beau compliment qui soit.

    (disons, atteinte. vraiment. je suis atteinte.)

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  10. Il semble que flécher, franchir, atteindre; être atteint, fléché, franchi allume un verbe. Ou désir de. C’est tout simple et naturel et jaillissant, oui. Beau.

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  11. Ralentir, se concentrer; pousser, se défocaliser. Oui!

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  12. Et si tu veux mon avis, atteindre est aussi bon que d’être atteint(e), je trouve. Mouvements renversés, qui se renversent bien, je trouve.

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  13. Et l’étonnement vire un peu à la stupéfaction.

    (Je viens de me livrer à une séance d’écriture. Merend prolixe. Et je pense et sens tout haut. Goutte à goutte. J’arrête ici – momentanément.)

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  14. Catrine dit :

    hahahAHAhahahahahahahh un peu oui, stupéfaction… quelque chose de fulgurant/vibrant, ici, pour moi: l’idée d’un sens qui trouve tout son sens d’un seul coup – débouclé soudain. (comme le vin vit dans la bouche)

    tu déboules, toi prolixe
    puis moi sans mot (suis sans dessus dessous)

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  15. Débouler, oui, oui. Toi-même.

    C’est un peu entre cristal et foudre, hein?

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  16. Catrine dit :

    oui! Oui!

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  17. Catrine dit :

    ..de clarté solide et vive

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  18. Aller vers l’inconnu… comme en la surprenance. Très beau texte d’intro que je relis avec joie.

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  19. 4ine dit :

    Merci beaucoup Jacques, merci de ton passage ici, me joie aussi !

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