fait(s) divers
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le jour crache des salives usées
nous vente
l’haleine de 4 milliards d’êtres
et des rumeurs grises de bombes
de meurtres
d’éboulements
un cri s’élève en ruban d’eau
vois
une main livide — mais combien
et le sang comme un sable vivant
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et le sang comme un sable vivant
sous le vent les cendres les gravats
se dissémine
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écoulées brusques
mélopées d’arrachements
d’absences
lac sourd des yeux
fixes ou glauques — à jamais emporté
imbibe nos pores
s’y infuse
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imbibe nos pores s’y infuse
virevolte d’une mariée si souriante
éclat de rire d’un enfant jouant avec un chat
agonie d’un soldat
un sifflement : une balle tueuse — le choc
l’angoisse du vieillard son épouse émaciée perdue
sanglots et pleurs
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le dernier frisson ne choisit pas son camp
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le dernier frisson ne choisit pas son camp
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des terreurs rôdent
frappent
dilapident la chair
vive
des futurs
arrachent des êtres aux êtres
s’arrachent l’humanité
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hanté
le vent mauvais charrie des remugles des râles l’agonie
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le vent mauvais charrie des remugles des râles l’agonie
les cendres des calcinations
l’abjection
les fleurs de l’Europe tremblent sous la neige salie
l’Amérique du Nord masquée
sort de confinement
à l’affût
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nous pensons « fleur » et nos yeux coulent
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nous pensons « fleur » et nos yeux coulent
avril malmène
mon pays polémique
au milieu des masques usagés
je ne parle pas à ta place
j’ai le coeur mutilé
les mains pleines d’impuissance
je tremble l’effroi des autres, le tien, là-bas
mes rêves et mes yeux voient
« j’ai des patients pour vous »
un train file emplit des corps survivants
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un train file emplit des corps survivants
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dans ma ville américaine
une tralée du CPrail déplace l’air et la pluie
presque vide
il siffle un coup long traverse lourdement ma cuisine où
je pleure dans ma vaisselle sale
l’inutile
les horreurs
des hécatombes
les wagons vacants s’imaginent ailleurs
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les wagons vacants s’imaginent ailleurs
traversent la nuit
inconsolable
mon pays comme trois fois la France
frisonne et s’attriste
au nom de tous les tiens
les dents serrées sur le mot « outrages »
les temps mauvais leurs présages
font partout résonner
votre langue et vos poèmes depuis l’Ukraine
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partout résonnent vos voix
vos poèmes depuis l’Ukraine
mais ici les oiseaux crient
« ce printemps sent la mort »
mais ici le vent se plaint
« ce printemps sent la mort »
et le chien hurle « la terre pue »
est-ce covid est-ce omicron ?
ou est-ce le mal humain la soif de pouvoir ?
3 millénaires ne nous ont rien enseigné
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3 millénaires ne nous ont rien enseigné
ma fille tu viens d’avoir 22 ans
tu as l’âge des jeunes poètes de l’Ukraine
ceux même qui se font bombarder
et comme j’ai honte comme je m’attriste
je rêvais pour toi un monde sans violence
un monde sans guerre — É V O L U É
La Terre d’un seul peuple et d’une seule humanité
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La Terre d’un seul peuple et d’une seule humanité
que l’eau soit répartie
que le pain soit offert
que le lait en trop soit donné
que le riz soit partagé
que le logis soit rebâti et sécur
que l’effort soit de chacun
que de chacun soit le geste
que le mot « soin » nous signe tous et
toi – mon fils de 26 ans – et toi fils humain
toi – ma fille de 22 ans – et toi fille humaine
pour un futur où se conjuguent vos possibles
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pour un futur où se conjuguent vos possibles
est encore à défricher
le champ de vision
où poussent de travers
les paresses et les envies
les gloires passées
les idées tueuses
la peur
de plus de 150 générations
est encore à défricher
la vérité des mensonges
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est encore à défricher
la vérité des mensonges
est encore à écrire « La Loi Humaniste » et inclusive
celle qui ne sera plus seulement blanche et masculine
comme si la moitié du monde n’existait pas
comme si la moitié du monde n’était pas du monde
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comme si la moitié du monde n’était pas du monde
comme si l’oblitération des intelligences
avait mené l’Homme au sommet… de quel sommet ?
celui de la destruction et de la violence ?
et l’élévation de ces notions « nombrilesques » en mode de vie
alors qu’il est pourtant bien des urgences
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alors qu’il est pourtant bien des urgences
tu assistes l’asphyxie lente
par plastique,
masque souillé et déchet
par monceaux de carcasses tétaniques
des bombes « pour les enfants »
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des bombes « pour les enfants »
c’est beau la politique de guerre barbare
bravo la mâlitude épaisse
la domination par abolition
l’exemple éradicatoire
la purge de certains futurs
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la purge de certains futurs
comme si se concevaient dans une joie sans nom
la fin de toutes fleurs
une pluie d’oiseaux empoisonnés
des matins cendreux
une nuit fixe
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une nuit fixe
et continue
cardiogramme plat
l’univers dissout
sans étoile ni témoin
un vertige absolu
comme si plus jamais
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comme si plus jamais
ni le regard vivant des constellations humaines
ni aucune aura
et je refuse
je refuse
je serre les dents sur le présent
je le tiens le mord le garde fort
… espérant que tous les crocs des survivants y plantent demain
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espérant que tous les crocs des survivants y plantent demain
un germe pacifiant
pour plus de 4 milliards d’êtres
et autant de boutures de conscience
la tolérance en grandes gerbes
à l’accueil de tout étranger — après soi
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à l’accueil de tout étranger — après soi
soi après — étranger de tout
accueil
comment être après l’éclatement
de ta cuisine
ou
de ta cousine
ou
de
…
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comment être
après l’éclatement
des rues — maisons — villes — vies
brulées
par l’horreur
comment tenir
et soutenir
l’existence — les arbres — le monde
n’est-ce pas tous les jours
le jour de La Terre
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le jour de la Terre
humanifiée
faisant dos à toute violence
n’adviendra pourtant
que de ton geste
actant joie simple et bonté
toi — enfant de la planète
car tu portes rêve le plus ancien du Monde
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car tu portes le rêve le plus ancien du Monde
folles engeances du désir cru
sève et sang
perpétués
de sens au-delà
l’entournement des cent milles moissons des genérations
tu es le grain
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tu es le grain
l’ingénuité
la réserve des demains
l’éclair d’une vision
ni promesse ni menace — qu’un voeu
rendu chair
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— qu’un voeu
rendu chair
spore propulsé
spondophore de flamboyants insus
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t’incarneras-tu
toujours
sans comprendre « ce qui est cher«
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(car) sans comprendre « ce qui est cher«
se nourrissent les prétéritions
le cercle des prédations étend ses dentures
(s’érigent des miroirs aux alouettes)
s’affament
tout ce tu n’as pas su reconnaître
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tout ce que tu n’as pas su reconnaître
ce que tu n’as pas su percevoir
ni comprendre
fragiles et mouvantes
infinitésimales
les sentiences
te parlent du réel rêve du vivant
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les sentiences
te parlent du réel rêve du vivant
et de ce qui t’incarne
car tu es le songe
debout
au beau milieu de la mer du temps liquide
une seule vague te soulève
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une seule vague te soulève
eau des corps d’avant ton corps
eau des larmes d’avant tes larmes
eaux des souffles d’avant tous nos souffles
vie issue des vies écoulées
afin de voir advenir par tes yeux
« ce qui est cher »
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#nationalpoetrymonth
#moisnationaldelapoésie
2022