in/poème — fait(s) divers — (suite) #NaPoMo 2022

fait(s) divers

j1

le jour crache des salives usées
nous vente
l’haleine de 4 milliards d’êtres
et des rumeurs grises de bombes
de meurtres
d’éboulements

un cri s’élève en ruban d’eau
vois

une main livide — mais combien

et le sang comme un sable vivant

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j2 

et le sang comme un sable vivant 

sous le vent les cendres les gravats 

se dissémine

*

écoulées brusques 

mélopées d’arrachements 

d’absences 

lac sourd des yeux 

fixes ou glauques — à jamais emporté

imbibe nos pores 

s’y infuse

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imbibe nos pores s’y infuse

virevolte d’une mariée si souriante 

éclat de rire d’un enfant jouant avec un chat

agonie d’un soldat 

un sifflement : une balle tueuse — le choc

l’angoisse du vieillard son épouse émaciée perdue

sanglots et pleurs

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le dernier frisson ne choisit pas son camp

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le dernier frisson ne choisit pas son camp

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des terreurs rôdent

frappent

dilapident la chair 

vive

des futurs

arrachent des êtres aux êtres

s’arrachent l’humanité 

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hanté 

le vent mauvais charrie des remugles des râles l’agonie

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le vent mauvais charrie des remugles des râles l’agonie

les cendres des calcinations

l’abjection

les fleurs de l’Europe tremblent sous la neige salie

l’Amérique du Nord masquée

sort de confinement 

à l’affût 

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nous pensons « fleur » et nos yeux coulent 

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nous pensons « fleur » et nos yeux coulent

avril malmène 

mon pays polémique 

au milieu des masques usagés

je ne parle pas à ta place

j’ai le coeur mutilé

les mains pleines d’impuissance

je tremble l’effroi des autres, le tien, là-bas

mes rêves et mes yeux voient

« j’ai des patients pour vous » 

un train file emplit des corps survivants

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un train file emplit des corps survivants

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dans ma ville américaine 

une tralée du CPrail déplace l’air et la pluie 

presque vide 

il siffle un coup long traverse lourdement ma cuisine où

je pleure dans ma vaisselle sale

l’inutile

les horreurs

des hécatombes

les wagons vacants s’imaginent ailleurs

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les wagons vacants s’imaginent ailleurs

traversent la nuit 

inconsolable

mon pays comme trois fois la France

frisonne et s’attriste 

au nom de tous les tiens

les dents serrées sur le mot « outrages » 

les temps mauvais leurs présages

font partout résonner 

votre langue et vos poèmes depuis l’Ukraine

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partout résonnent vos voix
vos poèmes depuis l’Ukraine

mais ici les oiseaux crient
« ce printemps sent la mort »

mais ici le vent se plaint
« ce printemps sent la mort »

et le chien hurle « la terre pue »

est-ce covid est-ce omicron ?
ou est-ce le mal humain la soif de pouvoir ?

3 millénaires ne nous ont rien enseigné

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j10
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3 millénaires ne nous ont rien enseigné

ma fille tu viens d’avoir 22 ans

tu as l’âge des jeunes poètes de l’Ukraine

ceux même qui se font bombarder

et comme j’ai honte comme je m’attriste

je rêvais pour toi un monde sans violence

un monde sans guerre — É V O L U É

La Terre d’un seul peuple et d’une seule humanité
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La Terre d’un seul peuple et d’une seule humanité

que l’eau soit répartie
que le pain soit offert
que le lait en trop soit donné
que le riz soit partagé
que le logis soit rebâti et sécur
que l’effort soit de chacun
que de chacun soit le geste
que le mot « soin » nous signe tous et
toi – mon fils de 26 ans – et toi fils humain
toi – ma fille de 22 ans – et toi fille humaine
pour un futur où se conjuguent vos possibles

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pour un futur où se conjuguent vos possibles

est encore à défricher
le champ de vision

où poussent de travers
les paresses et les envies
les gloires passées
les idées tueuses
la peur
de plus de 150 générations

est encore à défricher
la vérité des mensonges

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j13

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est encore à défricher
la vérité des mensonges

est encore à écrire « La Loi Humaniste » et inclusive

celle qui ne sera plus seulement blanche et masculine

comme si la moitié du monde n’existait pas

comme si la moitié du monde n’était pas du monde

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comme si la moitié du monde n’était pas du monde

comme si l’oblitération des intelligences

avait mené l’Homme au sommet… de quel sommet ? 

celui de la destruction et de la violence ?

et l’élévation de ces notions « nombrilesques » en mode de vie

alors qu’il est pourtant bien des urgences

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alors qu’il est pourtant bien des urgences

tu assistes l’asphyxie lente 

par plastique, 

masque souillé et déchet

par monceaux de carcasses tétaniques 

des bombes « pour les enfants »

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des bombes « pour les enfants »

c’est beau la politique de guerre barbare

bravo la mâlitude épaisse

la domination par abolition

l’exemple éradicatoire 

la purge de certains futurs

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j17

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la purge de certains futurs

comme si se concevaient dans une joie sans nom

la fin de toutes fleurs

une pluie d’oiseaux empoisonnés

des matins cendreux

une nuit fixe

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j18

une nuit fixe 

et continue

cardiogramme plat

l’univers dissout

sans étoile ni témoin

un vertige absolu

comme si plus jamais 

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j19

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comme si plus jamais

ni le regard vivant des constellations humaines

ni aucune aura

et je refuse

je refuse 

je serre les dents sur le présent

je le tiens le mord le garde fort

… espérant que tous les crocs des survivants y plantent demain

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espérant que tous les crocs des survivants y plantent demain

un germe pacifiant 

pour plus de 4 milliards d’êtres 

et autant de boutures de conscience

la tolérance en grandes gerbes

à l’accueil de tout étranger — après soi

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j21

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à l’accueil de tout étranger — après soi

soi après — étranger de tout

accueil

comment être après l’éclatement

de ta cuisine

ou

de ta cousine

ou

de

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j22

comment être
après l’éclatement
des rues — maisons — villes — vies
brulées
par l’horreur
comment tenir
et soutenir
l’existence — les arbres — le monde

n’est-ce pas tous les jours
le jour de La Terre

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j23

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le jour de la Terre

humanifiée

faisant dos à toute violence

n’adviendra pourtant 

que de ton geste

actant joie simple et bonté 

toi — enfant de la planète

car tu portes rêve le plus ancien du Monde 

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j24

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car tu portes le rêve le plus ancien du Monde

folles engeances du désir cru

sève et sang 

perpétués

de sens au-delà

l’entournement des cent milles moissons des genérations

tu es le grain

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j25

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tu es le grain 

l’ingénuité 

la réserve des demains

l’éclair d’une vision

ni promesse ni menace — qu’un voeu

rendu chair 

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j26

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— qu’un voeu 

rendu chair

spore propulsé 

spondophore de flamboyants insus 

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t’incarneras-tu 

toujours 

sans comprendre « ce qui est cher« 

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(car) sans comprendre « ce qui est cher« 

se nourrissent les prétéritions 

le cercle des prédations étend ses dentures

(s’érigent des miroirs aux alouettes)

s’affament 

tout ce tu n’as pas su reconnaître

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j28

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tout ce que tu n’as pas su reconnaître

ce que tu n’as pas su percevoir

ni comprendre

fragiles et mouvantes

infinitésimales

les sentiences 

te parlent du réel rêve du vivant 

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j29

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les sentiences

te parlent du réel rêve du vivant 

et de ce qui t’incarne

car tu es le songe 

debout 

au beau milieu de la mer du temps liquide

une seule vague te soulève 

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j30

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une seule vague te soulève

eau des corps d’avant ton corps

eau des larmes d’avant tes larmes

eaux des souffles d’avant tous nos souffles

vie issue des vies écoulées

afin de voir advenir par tes yeux 

« ce qui est cher »

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#NaPoMo

#nationalpoetrymonth 

#moisnationaldelapoésie

2022